
Décidément, entre la saga des Cazalet et la trilogie d’Eustache et Hilda, les éditions de la Table Ronde nous gâtent énormément avec ces délicieuses ré-éditions vintage.
Après avoir quitté Eustache et Hilda enfants, dans La crevette et l’anémone, nous les retrouvons grâce à une fabuleuse ellipse temporelle une quinzaine d’années plus tard.
Hilda n’a pas failli à ce qu’on avait pu imaginer: devenue une jeune femme émancipée et sûre d’elle, elle dirige à 27 ans une clinique pour enfants handicapés.
Eustache est étudiant à Oxford – mobilisé pendant les quatre années de guerre, il a échappé aux combats grâce à l’intervention de Hilda qui continue de le protéger comme lorsqu’il était enfant.
Leur père est mort, ils sont maintenant orphelins – et Barbara leur petite soeur vit encore avec leur tante Sarah. Mais bien plus délurée que ses aînés, elle ne va pas tarder à prendre son envol… en se mariant.
Hilda, séduisante et sûre d’elle, ne semble pas entrevoir la nécessité de nouer une relation amoureuse. Pourtant, elle n’est pas sans susciter l’intérêt des hommes, à l’instar de celui de Stephen Hilliard, un ami d’Eustache.
Eustache, toujours aussi gentil naïf et d’une « nature scrupuleusement obéissante », s’épanouit dans ses amitiés masculines et sa vie estudiantine, et se complaît dans sa fragile santé. Il reste un jeune homme qui manque de confiance en lui – l’héritage de la vieille Miss Forthergill, reçu alors qu’il n’était qu’un enfant, ne l’a pas engagé à être un jeune homme combattif et ambitieux.
Ce second volume s’attache à nous faire découvrir la personnalité d’Eustache – attachant, malléable, il a toujours peur de mal faire et cherche un peu sa place dans le monde. Hilda, qui a depuis la mort de leur mère une emprise très maternelle sur lui, reste sa vigie.
A la faveur d’une soirée de son club étudiant, Eustache retrouve Dick Staveley, que lui et Hilda avaient rencontré durant leur enfance à Anchorstone – Dick, que l’on devine toujours subjugué par le souvenir de Hilda, ne tarde pas à inviter le frère et la soeur dans sa maison familiale, sur les lieux de leur enfance. On devine que ce week-end pourrait tracer leurs destinées…
Dans ce second volume, le ton change. On a dépassé le ton un peu moralisateur façon Comtesse de Ségur – l’enfance est finie, et le récit s’adapte à Hilda et Eustache devenus adultes. Il y a toujours une déférence propre à l’époque, peut-être, ou tout simplement à l’auteur.
Contrairement au Messager, roman le plus célèbre de LP Hartley qui m’avait un peu déçue dernièrement, je n’ai ressenti ici aucune longueur, aucun temps mort dans le récit. LP Hartley brille par la finesse de son analyse psychologique, quels que soient les personnages qu’il dépeint, et par l’étude de moeurs de cette société bourgeoise qu’il ausculte. Il nous transmet la tendresse qu’il éprouve pour ses personnages: on retrouve d’emblée notre attachement pour ceux que l’on connaissait, et ceux que l’on découvre dans ce second volume.
« Le sixième ciel » est un bonbon, qui a un peu le même goût addictif que la saga des Cazalet.
Quel sort réservera à Eustache et Hilda le troisième et dernier volume? Il me tarde de le lire…
Titre: Le sixième ciel (The Sixth Heaven)
Auteur: LP Hartley
Editeur: La Table Ronde
Parution: mars 2021