Les reflets d’argent

Les reflets d'argent
Susan Fletcher

C’est une île qu’on imagine située au large de l’Ecosse, ou de l’Irlande.

Elle s’appelle Parla, c’est un caillou au milieu de la mer, ses falaises sont hautes, quelques arbres résistent au vent, elle abrite quelques maisons, une poignée d’habitants, une grappe de moutons, une église, une petite école, un phare, un port d’où va et vient son ferry, le Morning Star – et des plages.

C’est une île où les légendes sont vivaces, on y raconte que les phoques ont un coeur d’homme, que les rochers au large sont des géants transformés en pierre, et qu’un homme-poisson, dont certains ont aperçu la nageoire argentée, rejoint parfois la terre quand les hommes ont besoin de lui. 

C’est sur une de ces plages, à Sye, que Sam Lovegrove découvre un jour le corps d’un homme. Un géant nu et barbu, inconscient, échoué dans le sable. Pourtant, aucun bateau n’a fait naufrage, aucun homme n’est porté disparu – celui-ci a perdu la mémoire, et il prononce un seul mot: « mer »…

Le géant barbu bouleverse les habitants de Parla, rouvre les plaies, ravive le chagrin – car à chacun, il rappelle un ami, un fils, un frère, un oncle, ou un mari, disparu quatre ans plus tôt au large de Sye…

Et si les légendes étaient vraies?

Le géant barbu n’a pas de nom, pas d’histoire, il porte cette odeur si forte de la mer, ce sillon entre ses omoplates,  il y a ce trou entre son pouce et son index qui semble avoir été fait par un harpon… et si l’homme-poisson avait quitté sa nageoire pour venir aider ceux de Parla?

crédit photo @Emilie Crssrd

L’Homme-poisson. Ton Homme-Poisson. Celui que tu as vu à Sye.
Et le voilà – le mot qu’il attendait. Comme tant d’autres mots, il est prononcé et la brise s’en empare pour l’emporter hors de l’Ancienne poissonnerie, au-dessus de l’île. Il souffle sur les voitures rouillées à Port-Haut; il dévale sur les plages avec l’écume nocturne. Peut-être reposait-il au fond de la mer; pendant des années il est tombé presque dans l’oubli, frôlé par des pinces qui passaient par là. Mais voilà qu’Abigail exhume l’Homme-poisson. Le mot fait surface – beau, cristallin 

C’est dans cet univers onirique que nous convie Susan Fletcher.

Il y a cette voix, qui telle un esprit, nous invite à observer ces vies. Avec elle, on écoute tous ces bruits qui racontent l’île, la mer, les crabes de la plage, les campagnols dans l’herbe, les clochettes qui sonnent sur une clôture. On entre dans les maisons, on saisit ces moments subtils où les gens se retrouvent face à eux-mêmes, à leur solitude, à leurs souvenirs, leurs colères, leur tristesse ou leurs regrets.

Il y a une magie, une poésie ensorcelante dans le mystère de cette histoire, un souffle qui redonne vie peu à peu à la petite île endormie, et fait renaître l’espoir, jusqu’à la prochaine pleine lune.

La relecture de ce roman ne m’a pas déçue, bien au contraire. J’ai été à nouveau totalement séduite par la douceur un peu lente qui en émane, par sa capacité à activer notre imaginaire, et par ce parfum de grand large, si fort et si familier, qu’il dégage.

L’univers littéraire de Susan Fletcher est à rapprocher de celui de Maggie O’Farrell – elles ont aussi en commun une forte sensibilité et une écriture intimiste à l’acuité intense. 

Un nouveau roman de cette merveilleuse écrivaine, m’a-t-on dit, devrait sortir courant octobre. Après huit longues années d’absence, on ne peut que se réjouir de ces retrouvailles.

Titre: Les reflets d’argent (The Silver Dark Sea)

Auteur: Susan Fletcher

Editeur: Plon

Parution: 2013

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