
Quand il a commencé à se susurrer que le roman était en rupture, mon intérêt jusqu’alors un peu en réserve s’est émoustillé… Ce livre devait être trop bon, s’il s’arrachait (ou trop dingue, ou trop trash, enfin bref, il devait être « trop » tout simplement). Mon oeil dès lors a traqué l’objet dans toutes les librairies qu’il rencontrait sur son chemin. J’ai eu de la chance, je n’ai pas eu besoin d’attendre la réimpression et j’ai tenu mon exemplaire entre mes mains comme le saint-graal. Et abordé sa lecture comme celle d’un texte sacré, ou profane. Car là où brûle le feu de la passion…
Nous sommes pourtant dans ce qui pourrait être la plus banale des histoires.
Une femme mariée, Laure, universitaire, la quarantaine, rencontre Clément, financier froid et cynique. Elle est immédiatement séduite par ce quinquagénaire. En quoi, on se demande, car le portrait qu’elle en fait dans les premières pages n’est ni très attrayant, ni très flatteur.
Mais voilà, il y a une étincelle, on sent d’emblée cette petite odeur de souffre qui se dégage quand on gratte l’allumette.
Et c’est l’enchaînement.
Lui, dans le rythme frénétique et inquiétant du « je », qui se fait bousculer dans sa routine de célibataire névrosé: panique, rejet, peur, attirance, confusion. Tous les signaux nous disent que ça ne va pas être simple (surtout quand on traîne dans son sillage une mère incapable d’amour et un chien qui s’appelle Papa), et il met tout en oeuvre pour saboter l’histoire: « Je suis en retard, j’ai fait exprès. J’arrive dans mon état normal, quelque part entre s’en foutre et en crever »
Elle, dans l’analyse permanente du « tu », un peu paumée entre un mari qu’elle n’a probablement jamais aimé et une ado qui déchaîne sa fureur dans le militantisme, écoute sa mère et sa grand-mère lui parler d’outre-tombe.
Pour ces deux écorchés de la vie (la seule chose qui les rapproche tant ils sont différents), cette histoire est une échappatoire, une issue. Reste à savoir laquelle.
Comme toutes les passions, celle-ci est puissante, débordante, dévorante.
Tout comme l’est l’écriture de Maria Pourchet, qui nous aspire et nous porte frénétiquement d’une page à l’autre.
Mon côté saint-bernard a été conquis par Clément et ses fêlures, son détachement, son cynisme, son histoire et ses monologues sarcastiquement désespérés. Laure m’a agacée par sa capacité à tout foutre en l’air (mon côté saint-bernard n’est pas valable pour tout le monde).
Le texte, pimpant, nerveux, cinglant, finit par virer à l’excès – en devenant sur-écrit, il vole la vedette à l’histoire, certaines phrases sont trop lourdes à force de vouloir trop en faire (comme l’impression, parfois, que le texte avait été traduit de allemand avec ses structures de phrase où il faut lire cinq lignes pour avoir enfin le verbe).
Et que penser de la fin, qui m’a interrogée un certain temps?
Et pourtant… j’ai dévoré chaque page, spectatrice fascinée d’une histoire où l’amour consume deux solitudes. Oui, il y a assurément le feu dans ces pages…
Titre: Feu
Auteur: Maria Pourchet
Editeur: Fayard
Parution: Août 2021