
De Jan Van Eyck (1390-1441), on sait peu de choses – les seuls éléments biographiques qui nous sont parvenus sont des archives comptables faisant état des largesses du duc de Bourgogne, Philippe Le Bon, pour qui Van Eyck ne fut pas seulement un peintre, mais aussi un homme de confiance qu’il envoya effectuer des missions secrètes à travers l’Europe.
En tant que peintre, Van Eyck s’est distingué par l’extrême finesse de son travail et par la profondeur de ses couleurs, transcendées par l’utilisation encore secrète de la peinture à l’huile.
Une vingtaine de ses oeuvres, pas toutes signées, sont parvenues jusqu’à nous.
Mais venons-en à ce livre que je vous présente aujourd’hui, consacré à une de ses oeuvres les plus connues, « Les époux Arnolfini ».

Depuis l’antiquité, c’est le premier tableau qui représente une scène privée et non religieuse – autant dire une peinture profane…
Sous l’apparence d’une scène simple, qui pourrait ressembler à l’union d’un homme austère et d’une femme enceinte, quelques détails viennent cependant semer le trouble…

La signature de Van Eyck, en premier lieu, sur le mur du fond, et dont le double sens (« Jan Van Eyck fut ici / fut celui-ci en 1934 ») semble évoquer sa présence physique dans la scène. Et puis surtout, il y a ce miroir vénitien, sous la signature, qui, à y regarder de plus près, pourrait refléter une autre réalité que la scène du premier plan…
Qui sont ces Arnolfini, pourquoi l’homme a-t-il ce regard fuyant face à la mariée dont il tient la main, et que vient faire ce petit chien qui nous regarde au premier plan?
Pourquoi ces socques crottées, laissées à la hâte sous la fenêtre, et ces mules rouges dans le fond de la pièce?
Pourquoi une chandelle est-elle allumée en plein jour?
Où se situe la vérité, si ce n’est dans ce miroir de sorcière, qui malgré ses 5 centimètres de diamètre (le tableau en fait 84,5 sur 62,5) et ses infimes détails raconte tant de choses – Van Eyck avait-il imaginé que son oeuvre pourrait être observée de si près sept siècles plus tard?

Partant des premiers écrits qui font état du tableau et de ses différents propriétaires, des observations et hypothèses d’historiens de l’art, scrutant à la loupe les moindres détails qui regorgent de symboles, le comparant avec d’autres tableaux de Van Eyck, recoupant des postulats avec des documents historiques, Jean-Philippe Postel mène une enquête stupéfiante pour tenter de percer le mystère qui nimbe ce drôle de couple. Ça et là, des photos parsemées viennent appuyer la démonstration érudite, et pourtant accessible, de Jean-Philippe Postel.
Le livre se dévore comme une enquête au coeur de l’histoire, où l’auteur livre une interprétation personnelle du tableau. On ne peut qu’y adhérer tant ses arguments sont solides, convaincants et passionnants.
Et en bonus, une très belle préface de Daniel Pennac!
Titre: L’affaire Arnolfini
Auteur: Jean-Philippe Postel
Editeur: Actes Sud
Parution: 2016
Une réflexion sur “L’affaire Arnolfini”