
Depuis le jour de ma naissance, je ne fais que semer le désordre: des excès en pagaille, des impulsions que j’ai suivies sans réfléchir, dans le bonheur comme dans le malheur. C’est la seule façon de vivre que je connaisse, je n’arrive pas à échapper à cette férocité; s’il y a un sommet, il faut que je l’atteigne; s’il y a un abîme, il faut que je le touche ».
Daniele a vingt ans, et il vient d’intégrer l’unité psychiatrique d’un hôpital pour une semaine – une hospitalisation sans consentement, suite à un énième excès, pendant laquelle il devra se soumettre à des soins.
Derrière ce trop plein de fêtes, d’absorption de substances chimiques en tout genre, de moments euphoriques et de chutes vertigineuses, Daniele cherche désespérément un sens à la vie. Un sens qui lui explique ses peurs, la mort. Il éprouve une révolte constante pour le malheur des autres.
Soutenu par ses parents aussi aimants qu’impuissants, Daniele est allé de traitement en traitement depuis deux ans, mais aucun ne semble pouvoir l’aider à sortir de cet enfer solitaire.
Donnez-moi toute la chimie du monde, mais fermez-moi les yeux, le coeur, car j’en ai assez de souffrir à cause de ce que je vois, de ce que je ressens. »
Pendant sept jours, dans la chaleur d’un mois de juin 1994 caniculaire, Daniele va vivre au rythme des soins psychiatriques, entre infirmiers blasés et médecins surchargés, et partager sa chambre avec cinq autres hommes, réunis par leur folie.
Tout ce qui sépare ces hommes, leur âge, leur origine, leurs symptômes, leur errances, va les réunir, dans une sorte de miracle collectif.

Il se peut que ces hommes avec qui je partage cette chambre et une semaine de mon existence soient, sous leur apparence négligée, avec les pauvres choses dont ils disposent, qu’ils soient, malgré toutes nos différences visibles et invisibles, les êtres les plus proches de ma vraie nature qu’il m’ait jamais été donné de rencontrer. »
Aidé par l’étrange amitié de ces abîmés de la vie, bipolaires, psychotiques, catatoniques, handicapés mentaux, ou peut-être tout simplement mal aimés, Daniele va tenter de comprendre ce qu’est cette folie dont on l’accable. Après tout, où se situe la folie, où se situe la normalité?
Parmi ces naufragés de l’existence, Daniele va aborder sa maladie de façon plus existentielle – et salvatrice?
C’est la première fois que j’entends parler la même langue que moi.»
Dans ce roman à la fois fort et fragile, percutant par la beauté de ses mots, par son extrême sensibilité, Daniele Mencarelli raconte sa propre histoire.
Il y est question du salut qu’on attend désespérément, de poésie dont les mots se superposent aux maux, de ce qui nous rend fort et fragile, et d’une inattendue fraternité.
La maladie mentale est un sujet difficile, mais Daniele Mencarelli, par la profondeur de ses pensées, et la grande sensibilité de son écriture, a su en faire un roman bouleversant et auréolé de lumière.
Netflix vient de sortir une belle adaptation, quoique très libre, de ce très beau roman qui a reçu le prix Strega Giovani. A défaut de lire le roman, n’hésitez pas à la regarder!
Traduction: Nathalie Bauer
Titre: Nous voulons tous être sauvés
Auteur: Daniele Mencarelli
Editeur: Globe Editions
Parution: mars 2022