
A Bad Arolsen, en Allemagne, l’International Tracing Service fête cette année ses 75 ans. Créé en 1948, c’est le plus grand centre d’archives et de documentation sur les millions de victimes du nazisme.
Nous sommes ici pour servir les millions de victimes de cette guerre. Nous les servons quels que soient leur histoire, leur pays d’origine, leurs opinion politique ou leur religion. Nous servons les morts et les vivants, c’est notre devoir et notre honneur
C’est là, dans ce lieu singulier logé au coeur de la Hesse, et marqué par l’histoire SS, que Gaëlle Nohant situe son nouveau roman.
Irène est archiviste enquêtrice à l’ITS – française expatriée en Allemagne dans les années 1990, elle est arrivée par hasard au sein des archives et a développé une passion pour ce métier d’investigation appris auprès d’Eva Volmann, une femme particulièrement marquée par la guerre.
Parmi les archives, constituées de tous les documents qu’il a été possible de réunir après la guerre, depuis les dossiers des camps de concentration et d’extermination que les nazis n’ont pas eu le temps de détruire, aux documents personnels qui lui ont été transmis, l’ITS a réuni un fonds d’objets retrouvés dans les camps.

La direction du centre va missionner Irène et son équipe de rendre ces objets aux descendants de leurs propriétaire… Parmi les 3000 pièces inventoriées, un petit Pierrot de chiffon, marionnette grisâtre. C’est avec lui que la recherche d’Irène va commencer et qu’elle va tenter de le restituer « à qui de droit »… Que peuvent raconter ces objets de ceux à qui ils ont appartenu? Comment faire parler les morts, retracer ce qui reste d’eux, quand tant de décennies ce sont écoulées? L’enquête démarre avec un nom, un maigre indice.
Interrogeant les archives, les centres de documentation à travers le monde, tirant les maigres fils qui se présentent à elle, écoutant son intuition et parfois portée par une once de chance, Irène essaie peu à peu de reconstituer le puzzle de ces vies abrégées dans les chambres à gaz des camps ou détruites par les traitements inhumains des nazis.
Dans un dialogue entre le présent et le passé, Gaëlle Nohant donne une voix par le biais de ce roman polyphonique et ces personnages fictifs, à tant de personnes qui auraient pu être Wita, Lazar, Karol, Allegra, Eva…
Nous accompagnons silencieusement Irène dans l’horreur glaçante de Ravensbrück et Treblinka, nous la suivons dans le ghetto de Varsovie ou celui de Lublin, enjambons les ponts entre histoire et présent,
Avec Gaëlle Nohant, nous découvrons d’autres histoires méconnues, telle que celle des déportés non juifs, des révoltés de Treblinka, de femmes qui se sont insurgées contre les traitements infligés à Ravensbrükc, ou celle d’enfants enlevés par les nazis pour nourrir leur projet d’eugénisme. Nous plongeons au coeur de l’histoire, des secrets et ambiguïtés de l’ITS, créé par les alliés pour servir les victimes, puis confié à l’administration de la Croix Rouge.
L’écrivaine nous livre un roman brillamment construit et documenté, et nous rappelle en cette période inquiétante, de nous souvenir que l’Europe est née pour préserver la paix. Ne l’oublions jamais. A lire absolument!
Pour en savoir plus sur l’International Tracing Service, c’est par ici, et pour découvrir l’exposition Stolen Memory organisée par les Archives Arolsen à partir des objets du fonds, c’est par là!
Titre: Le bureau d’éclaircissement des destins
Auteur: Gaëlle Nohant
Editeur: Grasset
Parution: janvier 2023