Nostalgiques de L’amie prodigieuse et du sud italien d’Elena Ferrante, j’ai une excellente nouvelle pour vous: la saga familiale de Rosa Ventrella, parue aux éditions Les Escales début janvier!
C’est à Bari, dans les Pouilles, que l’éditrice et journaliste pose le décor de son roman.
Les Pouilles, l’authenticité suprême de l’Italie (ceux qui me connaissent savent que je suis amoureuse de cette région), parent pauvre longtemps délaissé et ignoré, loin des élites culturelles italiennes, mais riche de son identité sauvage et rebelle.
Maria grandit dans une famille pauvre du vieux quartier populaire de Bari, derrière la muraille qui fait face à la mer.
La famille n’a plus de rêves, si ce n’est celui, chaque mois, de joindre les deux bouts avec la pêche que le père ramène des filets de son petit bateau.
La vie l’a rendu âpre, souvent violent avec sa femme et ses trois enfants.
Du haut de ses neuf ans, Maria la cadette admire ce père autant qu’elle craint son imprévisibilité. Chétive, dégingandée, sauvageonne et déterminée, sa grand-mère l’a surnommée la « Malacarne » – la mauvaise chair.
Ici, les surnoms remplacent souvent les noms, et se transmettent de génération en génération. Et si par malheur celui que l’on porte est connoté de malheur ou d’une histoire sordide, il marquera ses descendants au fer rouge. Les traditions ont la vie dure ici, et Michele, le meilleur ami de Maria subit cela depuis toujours.
Ceux qui n’en possédaient pas faisaient profil bas parce que, aux yeux des autres, cela signifiait que les membres de leur famille ne s’étaient distingués ni en bien ni en mal. Or, comme disait toujours mon père, mieux valait être méprisé que méconnu.
Monopoli, Pouilles, Août 2015
Maria, pauvre parmi les plus pauvres, et si peu remarquable avec ce physique qui lui vaut les railleries de ses camarades, comprend très vite que seule sa réussite à l’école lui permettra de s’affranchir de cette vie et de son quartier. Mais peut-on vraiment échapper à sa condition, lorsque les racines sont aussi profondes, et surtout lorsque les rancunes familiales qui les nourrissent sont vivaces?
Sur fond de déterminisme social, Rosa Ventrella nous offre une fresque familiale et populaire passionnante, nourrie de la beauté farouche et des traditions profondément ancrées de ce coin lointain d’Italie, où même l’italien est une langue étrangère – comme chez Elena Ferrante, comme chez nombre d’auteurs italiens, Rosa Ventrella dit l’importance prépondérante de ce dialecte qui façonne les vies, conditionne et encloisonne ceux qui le parlent.
Elle donne la parole a une de ces héroïnes attachantes, qu’on ne peut s’empêcher de comparer à celles d’Elena Ferrante. Mélange de Lila (pour son physique et son tempérament farouche) et de Lenu (qui s’extrait de son quartier en allant étudier au lycée puis à l’université), elle est la narratrice de cette histoire qui la voit devenir jeune femme.
Rosa Ventrella, qui est née à Bari, fait le portrait très évocateur et très précis d’une société dont on la sent intrinsèquement imprégnée. Au-delà des différents personnages, très nombreux, qui sont finement incarnés – et physiquement, et psychologiquement, c’est sa peinture sociétale que j’ai appréciée plus particulièrement.
Non seulement j’ai vraiment eu cette impression très forte de retrouver les ruelles pavées des petites villes de la côté adriatique italienne (Bari, mais aussi Polignano a Mare, Monopoli, Gallipoli), animées d’une vie aux traditions séculaires qu’on surprend au pas des portes des maisons, mais j’ai aussi eu le plaisir de pénétrer, de comprendre la culture de ces quartiers populaires, le poids de la religion, la lourdeur des réputations, et la pauvreté résignée mais assumée fièrement.
J’ai pensé à Matera, à la pauvreté décrite par Carlo Levi dans Le christ s’est arrêté à Eboli, qui avait scandalisé l’Italie dans les années 1950.
Et si les temps et les conditions de vie ne sont pas les mêmes dans ces ruelles du Bari des années 1980, on ressent tout de même que dans cette région plus qu’ailleurs, la pauvreté s’est profondément agrippée aux parois rocheuses de cette terre sauvage – le prix de son authenticité, peut-être.
★ ★ ★ ★ ☆
Titre: Une famille comme il faut (Storia di una famiglia
Auteur: Rosa Ventrella
Editeur: Les Escales
Parution: janvier 2019
Je m’ennuie ferme hélas. C’est vraiment trop calqué sur Ferrante. C’est dommage car j’adore l’Italie et les auteurs italiens d’habitude.
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Je pense qu’Elena a tellement imprégné le paysage littéraire italien qu’on aura maintenant toujours l’impression que les romans qui viennent après et traitent de l’amitié seront de pâles copies… moi j’ai aimé ici l’atmosphère des Pouilles que je connais bien, peut-être que c’est ce qui a créé ce lien avec le livre?
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