Récemment, j’avais partagé ici mon immense coup de coeur pour le premier roman de l’écrivaine irlandaise Lisa McInerney, Hérésies glorieuses.
On retrouve, dans Miracles du sang, son héros écorché vif qui m’avait tant chavirée, le jeune Ryan Cusack. Dealer malgré lui, la faute à ce milieu social auquel il est difficile d’échapper quand on a quinze ans, plus de mère pour veiller sur vous et un père alcoolique, truand et sans emploi…
Quoi de neuf pour Ryan? Rien, si ce n’est qu’il est plus que jamais en prise avec ses démons et que la vie est bien fragile – et ça englobe bien sûr son histoire d’amour avec Karine qui s’efforce de rester son rempart.
Il y a bien la musique, mais pourra-t-il être dans cette vie le DJ qu’il aimerait tant devenir, lui l’enfant aux rêves de pianiste anéantis par son père?
Mais il y a l’ecstasy, et il y a Dan Kane, son boss. Qui veut toujours plus – contrôler le trafic de Cork et faire la nique à Jimmy Phelan, le caïd de la ville.
Et si la chance venait de Naples? Dan y déniche une filière de qualité exceptionnelle et son petit protégé Ryan, d’origine napolitaine par sa défunte mère et donc bilingue, va pouvoir gérer les transactions avec la Camorra.
A force de se frotter à la pègre, à la drogue, à l’alcool, au sexe et à la nuit, Ryan se brûle, crame son histoire avec Karine, sans même voir venir le reste.
Peut-on se rattraper avant que tout s’écroule, quand on a franchi toutes les limites?
Rude apprentissage que celui de Ryan, pour lequel mon affection est restée intacte dans cette suite qui se concentre sur son histoire.
Dans ce second roman, l’intrigue s’est resserrée autour de la drogue et de quelques personnages, la figure paternelle détestée fait quelques apparitions et le spectre de la mère surgit dans une correspondance douloureuse que Ryan lui adresse. C’est violent, toujours. Mais ce qui avait fait la poésie des bouleversantes Hérésies glorieuses a disparu.
Là où l’histoire se jouait sur plusieurs tableaux dans le roman précédant, nous faisant déambuler à travers une galerie de personnages aussi forts que hauts en couleurs, elle se resserre aujourd’hui sur une seule intrigue, et a considérablement réduit sa distribution.
La linéarité du récit est accentuée par une narration au présent qui nous ancre dans un déroulé au pas à pas, un peu pesant.
Quel est le parti pris de cette écriture sombre, qui ressemble si peu à celle qui m’avait émerveillée par sa grâce? Se veut-elle le reflet de la réalité brute et insipide de la vie de Ryan?
Où est ce sel qui faisait la saveur de ce premier roman, où sont les fulgurances poétiques qui l’habitaient, devenues si rares dans ce deuxième opus?
Ryan met vingt-cinq minutes à couvrir un trajet qui en demande quinze. Il se traîne dans les rues, s’attirant les regards apitoyés de passants consternés de l’état dans lequel il est. Ses chairs n’en sont que la vitrine; Ryan est le résultat de sept ans de méfaits. Il est le fléau de sa propre ville. Cork ne se portera que mieux sans lui.
Laissant place à la noirceur, la langue de Lisa McInerney s’est dépouillée de ses oripeaux, peut-être pour mieux mettre à nu la fragilité implacable de Ryan dans l’engrenage irréversible de ses choix.
Cette suite ne sera pas à un coup de coeur comme le fut Hérésies glorieuses, mais la force d’attachement de son héros, elle, demeure intacte.
Titre: Miracles du Sang (The Blood Miracles)
Auteure: Lisa McInerney (Traduction Catherine Richard-Mas)
Editeur: Editions Joëlle Losfeld
Parution: 2018