Les soeurs Livanos

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« Nous sommes grecques, le bonheur n’est pas pour nous… »

La naissance des soeurs Livanos était une occasion extraordinaire pour les dieux de la tragédie antique: à peine venues au monde, ils se sont précipités sur le berceau des riches héritières, filles du magnat des mers Stavros Livanos –  ils allaient leur en donner, de la beauté, de la folie, du drame pour animer leur vie de petites filles riches! 

Poséidon, sous les traits d’Aristote Onassis, dieu des mers, roi des océans, le torse puissant bombé, n’allait faire qu’une bouchée de Tina, la cadette, sublime naïade blonde.

Tina a seize ans, elle épouse en 1946 Onassis qui en a 23 de plus. Il est petit, trapu, mais avec son charme animal, il séduit les plus belles femmes. Tina est ambitieuse, magnifique, elle adore l’argent, et elle est follement amoureuse de celui que tout le monde appelle le Turc – celui qui parti de rien a su monter un gigantesque empire maritime.

Zeus lui aussi convoitait la jolie Tina – Stavros Niarchos est puissant et riche comme son ennemi Onassis. Coiffé au poteau, il épouse Eugénie la grande soeur de 19 ans en 1947, moins spectaculaire, plus discrète, et son nez, elle aurait préféré l’avoir moins long. Peu importe, finalement, elle a la plus belle dot, elle est intelligente, éperdument éprise, Niarchos la façonnera pour être la plus cultivée, la comblera de maisons, de toiles de maîtres et de bijoux.

Le ton de la surenchère est donné: dans une rivalité sans commune mesure, les deux hommes se dament le pion en permanence – l’un loue un château sur la Riviera, l’autre va l’acheter. Celui-ci achète un caillou désertique en Grèce dans la baie d’Argos et le transforme en jardin d’Eden, celui-là répond en achetant un îlot rocailleux qu’il transformera en paradis sur mer. Rien n’est assez cher, aucun obstacle ne leur résiste. Leur richesse n’a d’égale que leur puissance mégalomane. 

La rivalité, les soeurs Livanos la connaissent bien aussi: Tina, toujours avide de briller, avide de dépasser son aînée, l’entretient en permanence. Derrière la façade de leur vie de rêve au coeur de la café society, que l’on n’appelait pas encore la jet set, Eugenie et Tina se jalousent,  mais cachent aussi les souffrances dues aux mensonges de leurs maris volages, les bleus de la violence qu’elles reçoivent, elles sont devenues mères – l’une accomplie, l’autre dans le déni de son affreuse fille Christina qui a hérité de la laideur de son père. Pour s’anesthésier, pour supporter les humiliations imposées par ces maris insaisissables dont elles restent pourtant folles, pour continuer à participer à la fête permanente tout en vacuité de cette vie hors norme, elles mélangent en cocktail les pilules jaunes, blanches, roses, vertes, bleues …

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Mais nous sommes dans une tragédie grecque, ne l’oublions pas, et le drame aime se repaître du malheur de ceux à qui on a tout donné…

Quelles destinées! Peut-on imaginer plus dramatiquement romanesque que toutes ces vies réunies? 

Les Kardashian et les Hilton peuvent aller se rhabiller – elles paraissent bien pâlottes à côté des Livanos.

Le sang grec, la magnificence des années 50, les figures mythiques (La Callas! Greta Garbo! Jackie Kennedy!), le luxe orgiaque des soirées, les robes de haute couture portées une seule fois, les parures de diamant achetées pour l’occasion, les kilos de caviar à en vomir, le champagne qui coule à flots, les liaisons qu’on ne prend pas la peine de cacher le sexe brandi en étendard…

Dans un style enlevé qui rythme le roman de la folie de ces vies, rempli d’anecdotes toutes plus incroyables les unes que les autres pour donner la démesure des personnages (si je vous dis qu’Onassis n’avait aucune limite croyez moi – mais vous serez aussi surpris de ce dont sont aussi capables ces dames…), Stéphanie des Horts livre un roman de tous les excès, témoignage d’une époque fascinante – mais aussi troublante par ses débordements scandaleux.

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Toutes les anecdotes livrées sont vraies! 

Il faut entendre Stéphanie des Horts, pétillante et intarissable sur ces années qu’elle connaît déjà bien pour avoir écrit d’autres biographies (Rita Hayworth, Pamela Churchill), raconter ses personnages! 

Six mois de recherches en amont du roman pour décortiquer la presse de l’époque, les photos, les biographies, trouver le fil du récit, savoir faire parler Tina et Eugénie en les personnifiant plus vraies que nature, rendre Onassis animal et magnétique, Narchios froid et manipulateur, nous décrire le faste comme si nous le touchions du bout des doigts, faire dégouliner l’indécence et le scandale avec classe, ressusciter la Callas en canari pathétique (« une page blanche qui ne doit sa réussite qu’au don de sa voix et aux hommes qu’elle a rencontrés »), Jackie Kennedy-Onassis en froide calculatrice, Churchill en ex-ministre qui noue une étonnante amitié avec Onassis, Marilyn un peu trop voyante pour épouser le prince Rainier,…

Pourquoi avoir choisi d’écrire sur les soeurs Livanos, que personne (ou presque) ne connaît plus?

Elles ont croisé le dernier livre de l’auteure, Pamela – Pamela Churchill, belle-fille du sus-nommé, qui non contente d’avoir couché avec tout le Gotha a également mis dans son lit le mari d’Eugénie. Le nom de ces deux soeurs a également marqué l’enfance de Stéphanie des Horts, lorsqu’en vacances au Cap d’Antibes sa grand-mère lui parlait de cette jet set qui naguère venait en villégiature. Mais surtout, ce qu’elle aime chez elles, ce sont leurs hommes, dieux tout-puissants!

Difficile d’imaginer les soeurs Livanos en 2018, leurs destins auraient certainement été différents – auraient-elles cédé aux sirènes de la télé-réalité par exemple? Aujourd’hui, la dynastie Onassis s’est quasiment éteinte, touchée par une malédiction qui a tout de la tragédie antique. Mais les Niarchos, eux, entretiennent l’aura de leur dynastie, et les milliards que leur a laissé leur patriarche.

Voilà, j’ai pris un plaisir presque indécent à lire ce livre – un peu comme celui qu’on a à ouvrir Paris Match à la dérobée chez le dentiste! 

Je le confesse, les protagonistes connus de cette histoire (et particulièrement Jackie Kennedy Onassis – je ne parle même pas du beau John-John lui aussi tragiquement disparu dans un accident d’avion comme le fils d’Onassis…) m’ont toujours fascinée et j’ai littéralement adoré la foultitude d’anecdotes qui nourrissent le roman (vous le saviez, vous, que si Monaco existe aujourd’hui, c’est grâce à Onassis? Ce même Onassis qui n’a rien trouvé de plus chic que de couvrir les tabourets de bar de son bateau en prépuce de baleine…). 

Alors oui, il est bon de sortir des sentiers battus, aller vers d’autres genres, renouveler le plaisir de lecture! 

Promis, je vous donne bientôt des nouvelles de Pamela Churchill!

Merci aux éditions Albin Michel pour cette rencontre avec Stéphanie des Horts, conteuse hors pair passionnante!

★ ★ ★ ★ ☆

Titre: Les soeurs Livrons

Auteur: Stéphanie des Horts

Editeur: Albin Michel

Parution: novembre 2018

4 réflexions sur “Les soeurs Livanos

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