Sur la terre des vivants

livre Sur la terre des vivants

Connaissez-vous les Stolpersteine, ces pavés de métal gravés d’un prénom, d’un nom, d’une date de naissance et d’une date et d’un lieu de mort, parsemés sur les trottoirs de certaines villes allemandes? Enserrés dans les pavés de pierre, devant la dernière adresse de ces victimes du nazisme, ils rendent immortelles, et concrètes, ces existences que la folie nazie a voulu effacer.

Ce sont ces « pierres d’achoppement » qui ont conduit Déborah Lévy-Bertherat à Hambourg, sur les traces de sa famille. De ses arrière-grands-parents, il ne reste rien. Leur quartier, comme de nombreux quartiers de Hambourg, a disparu sous les bombardements anglais pendant la guerre.

L’Altenhaus, l’asile pour les vieillards juifs du quartier d’Altona, a été rasé, remplacé par un immeuble de briques. Seul le vieux cimetière juif, miraculeusement, a survécu aux bombes.

cimetière juif de Miltenberg
Cimetière juif (Miltenberg, avril 2023)

Là, Elkan et Fiete Levy ont élevé leur cinq enfants, deux garçons et trois filles, en même temps qu’ils géraient l’Altenhaus, nourrissaient, soignaient, accompagnaient les vieillards, jusqu’au jour où ils franchissaient la petite barrière qui ouvrait sous le cimetière attenant, pour être enterrés les pieds vers Jerusalem.

Entre enquête et roman, Déborah Lévy-Bertherat part sur les traces de ses aïeux, remontant le temps dans les pas de la petite dernière des enfants de Fiete et Elkan: Irma. 

Irma dont il lui reste un vieux Polaroïd de 1972 pris lors de vacances chez sa grand-mère en Israël, alors qu’elle rendait visite à ses grands-tantes Irma et Edith – les seules survivantes des enfants Levy.

Depuis les jours heureux à l’Altenhaus et la naissance d’Irma en 1903, l’autrice fait revivre les siens  vers les grandes déchirures de ce vingtième siècle, les drames qui vont disperser les uns, et voir mourir les autres. 

D. Levy-Bertherat redonne vie, avec un réalisme vibrant, à sa famille paternelle, de Hambourg à Cologne, en passant par le camp de concentration de Theresienstadt et par le Displaced Persons camp n°7 de Deggendorf en Bavière, jusqu’à Nahariya.

Le récit est rythmé par de courts chapitres inscrits dans une date, et se terminant par une réflexion de l’autrice sur son travail, sur la langue allemande, sur ses recherches, ses impressions, ses sentiments, ses souvenirs, ses doutes, qui nourrissent son magnifique récit. L’écriture est élégante, délicate, vivante – si vivante que le temps de 378 pages, elle a rendu les siens intensément présents.

Dans la même veine investigatrice que « La carte postale », « Ombre portées », « Le bureau d’éclaircissement des destins », ou même « Hors d’atteinte », D. Lévy-Bertherat a réussi à rendre aux siens le plus magnifique des hommages : les garder vivants, pour l’éternité.

Stolpersteine (Bamberg)
Stopersteine, Bamberg (Bavière, avril 2023)

Titre: Sur la terre des vivants

Auteur: Déborah Lévy-Bertherat

Editeur: Editions Rivages

Parution: avril 2023

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